Caftan Marocain


Historique
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Les caftans du Maroc sont originaires de l’Andalousie mauresque (Al Andalus) où les élites arabo-musulmanes de l’Empire Omeyyade ( dont Zyriab, le père de la musique arabo-andalouse) ont apporté à partir du ixe siècle des caftans empruntés aux Perses. Entre le ixe et le xve siècle, les émirats arabo-andalous (composés de peuples d’origines variées) ont progressivement donné aux caftans leurs touches civilisationnelles. Rappelons que l’Andalousie mauresque s’est construite en opposition ou en concurrence vis à vis de l’Empire Ommeyyade de Damas de même que l’Empire des Idrissides de Fez (branche Omeyyade du Maroc) vis à vis de l’Empire Abasside de Bagdad. Cette divergence va se traduire entre autres sur les tenues vestimentaires.
Le port de cette tunique au Maroc au xie siècle est confirmé par les prêches de Ibn Toumert(fondateur du mouvement musulman fondamentaliste almohade) qui stigmatisait ces rivaux les Almoravides à travers le port de ce vêtement luxueux et les andalous qu’il jugeait débauchés. Les Almohades percevaient probablement le vêtement comme un signe d’appartenance à la communauté de l’islam (ouma islamiya) ; ainsi, le port d’un vêtement distinctif fut imposé aux Juifs par le calife almohade El Mansour.Ceci n’a rien d’étonnant puisque ce témoignage d’appartenance à la ” ouma ” par le vêtement existe encore de nos jours.
L’arrivée massive des andalous au Maroc, qui va renforcer la présence et le port du caftan au Maroc, se fera essentiellement en 2 temps : en 1492 (expulsion de tous les non-chrétiens toutes origines confondues) et en 1609 ( expulsion des moriscos: musulmans et juifs restés en Espagne après leur conversion sous la contrainte au catholicisme en 1492). Les andalous de 1492 arrivés en nombre au Maroc portaient des tenues arabo-andalouses alors que les moriscos étaient habillés de façon castillane.

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A cela, il faut préciser qu’avant 1492, des arabo-andalous ont commencé à se replier vers le Maroc et le Maghreb au fur et à mesure de l’avancée progressive de la Reconquista ; de plus, avant 1492, la proximité géographique du Maroc avec l’Espagne mauresque a naturellement induit des échanges constants et divers qui atteignirent leurs paroxysmes en 1492 en 1609 ; par ailleurs, les ports de Tanger, Rabat, Salé et Ceuta comme les pèlerinages à la Mecque et les mouvements des populations ou des caravanes ont longtemps été des portes d’entrée de produits variés. Le Maroc possède une position géographique qui l’a toujours placé, jusqu’à nos nos jours, comme une zone naturelle d’échanges entre l’Afrique, l’Europe et le monde arabo-musulman.
Le vêtement étant un élément culturel et identitaire, il va de soi que la Reconquista a mis fin aux ports des tenues arabo-andalouses en Espagne et au Portugal.
Au cours des siècles et au contact des diverses populations et cultures du Maroc ainsi qu’en l’absence de longue influence vestimentaire ottomane ( visible dans le reste du monde Arabe) et européenne, ce caftan andalou s’est ancré et a pris des spécificités relatives au pays (voir liens externes). Même si les ottomans n’ont pas occupés l’actuel Maroc ( par l’opposition de la dynastie des Saadiens et de la dynastie Alaouite ), des échanges (directs ou indirects, guerriers ou diplomatiques, profanes ou religieux) ont eu lieu entre ces deux cultures.Toutefois, une ville comme Oujda (ville frontalière avec l’actuelle Algérie) a connu une présence ottomane qui explique entre autres la similitude des tenues avec celles des femmes algériennes (en particulier le Karakou).

    Le façonnage particulier du caftan, sa broderie, ses ornementations ( zouaks ) et ses ceintures le rendent spécifique du Maroc ; Les plus anciens caftans marocains encore visibles dans divers musées datent du début du xviiie siècle (voir liens externes). Différents sites répertoriant des photos authentifiées du Maroc (fin xixe - début xxe siècle ) nous permettent de visualiser des femmes en caftans marocains ou en tenues traditionnelles :citons des sites internet :

    images.jpgLes pièces d’archives montrent également qu’il existait au Maroc différents types caftans avec des caractéristiques propres au Maroc ; de plus, la tenue de mariage de Fès (dite Lebssa Fassia), celle des judéo-marocaines (dites El Kesoua el Kbira )ainsi que la foutah (pièce d’étoffe servant de jupe) et le chapeau des marocaines du Nord d’origines andalouses ne se voient que dans ce pays. Toutes ces tenues ainsi que d’autres éléments culturels ( musique, architecture….)et historiques révèlent que le Royaume du Maroc est l’héritier fondamental de l’Andalousie mauresque. En effet, selon l’historien Bernard LUGAN, spécialiste de l’Afrique, sur les huit siècles de présence musulmane en Andalousie sept ont été étroitement liés au Maroc.
    Avant l’avènement de la photo, il est aussi possible de se faire une idée sur les vêtements traditionnels du Maroc en recoupant plusieurs tableaux et dessins (en nombre statistiquement représentatif afin d’éliminer les ajouts subjectifs, personnels ou romantiques de l’artiste) produits par différents peintres ou chroniqueurs de passage dans l’Empire chérifien (ancien nom du Maroc jusqu’en 1956). On ne peut, en effet, à partir d’un seul et unique ancien dessin généraliser un vêtement à tout un pays et encore moins le considérer comme traditionnel.
    Dans les années 1980, reprenant des caftans hérités de l’Andalousie mauresque, des stylistes du Maroc sont pionniers dans la création moderne de nouveaux caftans uniques au monde . Vu la poussée, dans le choix vestimentaire des marocaines, des vêtements modernes occidentaux ou des tenues rigoristes ” musulmanes ” (venues de pays fondamentalistes du Moyen Orient), le caftan traditionnel maroco-andalou devenu vieillot a survécu grâce à ce travail de modernisation.
    Ces stylistes marocains ont commencé à transformer ce vêtement traditionnel pour en faire un produit conforme aux exigences de la haute couture internationale et un produit de luxe à l’usage des femmes du Monde entier. Le déclic des créateurs marocains s’est renforcé avec la délocalisation au Maroc de nombreuses entreprises de confection et de haute couture européennes ainsi qu’avec l’installation ou le passage de stylistes internationaux dans le pays. Après le caftan, les stylistes moderniseront toutes les autres tenues traditionnelles du Maroc. Yves Saint Laurent sera le tout premier couturier occidental à mettre dans ses collections des années 1960 des tenues marocaines rehaussées de sa griffe


    Créations marocaines : de la tradition à la modernité

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    Le caftan (que les marocains nomment aussi takchita pour la version légère et moderne ) est un des divers composants du patrimoine vestimentaire marocain (comme la Jellaba, le Jabador, le tchamir, le taj fassi, les ” chedda ” des femmes du Nord….). Il était porté par les femmes citadines et les femmes du milieu rural, qu’elles soient de confessions juive ou musulmane.
    Le caftan marocain est considéré comme traditionnel du pays car il réunit les points suivants :
    il est issu du lien historique entre ce pays et l’Espagne arabo-andalouse
    ses caractéristiques sont spécifiques du pays
    des caftans ordinaires et d’apparat furent portés de façon continue sur des siècles un peu partout dans le royaume et non uniquement lors des cérémonies de mariage.
    il fut porté de façon quotidienne (et non uniquement lors des cérémonies de mariage) principalement par des femmes (citadines ou rurales et aisées), juives et musulmanes.
    Les caftans légers sont des vêtements d’intérieur alors que les caftans épais sont des vêtements d’extérieur comme le haïk (vêtement du Maghreb) ou la djellaba ( sorte de manteau traditionnel marocain masculin long avec capuche que les marocaines reprendront pour des raisons pratiques et féminiseront). C’est en milieu citadin et/ou dans les familles aisées qu’on trouve les caftans d’apparat les plus aboutis.

      Les tenues traditionnelles des judéo-marocaines diffèrent entre elles et de celles de leurs compatriotes musulmanes sur quelques points de détails selon les régions ( motifs ou inscriptions sur les bijoux ou coiffe ); Les judéo-marocaines possèdent deux types de tenues longues nommées El Kesoua ( ou Keswa ou Kswa) El Kbira : une version jupe longue et veste courte et une version caftan ; ces deux versions ont une ceinture et auraient été initialement portées par les musulmanes et les juives chassées d’Andalousie et installées au Maroc.Les Kesoua el Kbira ( également revisitées par des stylistes marocains) ne sont aujourd’hui portées que par les judéo-marocaines lors de la cérémonie du Henné (voir liens externes).
      Depuis quelques années certains stylistes visionnaires commencent à créer des caftans marocains de forme manteau ou 3/4 pour hommes, comme entre autres le styliste Si Mohamed Lakhdar . Ces caftans pour hommes sont visibles sur différents sites généralistes complets et didactiques (tel que par exemple MarocFashion ou Femmes du Maroc) ou sur des sites de stylistes.
      Ces caftans de haute couture sont actuellement exportés vers tous les pays du monde du fait de la créativité et de perspicacité des stylistes essentiellement d’origine marocaine ou franco-marocaine (tel que Albert Oiknine, Fadilah Berrada, Hassan Tamer, Karim Tassi, Mohammed Elamine Mrani, Najia Abadi, Salima Abdelwahad, Zahra Yaakoubi etc..). Son succès international s’explique aussi par l’ouverture des créateurs à différentes influences : grecque, romaine, espagnol, française, écossaise, asiatique, indienne etc….dans le choix de certains motifs ou couleurs et dans le choix de tissus modernes actuels. Aujourd’hui de nombreuses personnalités internationales des Arts et Spectacles portent des caftans marocains( Adriana Karembeu, Susan Sarandon, Catherine Deneuve, Sharon Stone, Victoria Avril, Noemie Campbell, Emmanuelle Béart, Sigourney Weaver, José Garcia, Léonardo Di Caprio etc …)
      Les défilés des créations faites sur un thème ( bien qu’elles soient parfois éloignées du caftan traditionnel) jouent un rôle important dans la recherche de nouvelles inspirations ; ainsi le styliste peut sortir du schéma routinier conventionnel et donner cours à son imagination et, de là explorer de nouvelles pistes créatrices. Les stylistes pourront ensuite adapter ces pistes novatrices aux caftans classiques qu’ils commercialisent tout le reste de l’année.

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      Au Maroc il existe différentes sortes de ceintures :
      le Hazem traditionnel (pièce d’étoffe longue et large pouvant monter de la taille au sternum)
      la mdamma en tissu épais et en argent
      la mdamma pièce de bijouterie
      la mdamma rigide en corset( version marocaine haute couture du Hazem traditionnel ou de la mdamma)
      des ceintures en cuir
      ceinture berbèro-marocaine en cordelettes tressée utilisée dans les créations caftan: musée Bargoin .
      Au Maroc le Hazem et la mdamma d’apparat se mettaient traditionnellement au-dessus du caftan pour être visibles alors que son équivalent ( appelé foutah) dans les pays de l’ancien empire ottoman se plaçait traditionnellement à la taille en dessous du caftan sur une soutane ou à la base d’un pantalon( zéroual).
      Dan le nord du Maroc et en Kabylie, le terme foutah désigne aussi une pièce d’étoffe dépliée et serrée à la taille servant de jupe ou de tablier.La foutah des marocaines du Nord ont un imprimé andalou et la foutah kabyle a un imprimé berbère, qui varie selon les tribus ou régions de Kabylie.
      En plus de leur aspect esthétique dans les tenues d’apparat, les ceintures larges marocaines avaient différentes fonctions : le maintien du dos, le maintien du ventre des femmes enceintes, le transport et le maintien du bébé dans le dos libérant les mains pour les taches quotidiennes.
      Dans le royaume, de nos jours encore, l’argent est le métal le plus utilisé en bijouterie avec les pierres semi-précieuses et le plus porté par la population ( en particulier rurale); L’or et les pierres précieuses ont été pendant très longtemps l’apanage d’une minorité ( en particulier citadine). Du fait de son coût, l’utilisation la plus fréquente de l’or et des pierres précieuses a longtemps limitée à la fabrication de petites pièces de bijouterie ( bagues, boucles d’oreilles, bracelets, petites broches….). Le cuivre et divers alliages servent essentiellement à la fabrication d’objets usuels ou décoratifs.
      La mdamma en métal précieux, à la fois ceinture et bijou de tradition marocaine, est faite soit en argent, soit plaqué or soit en or ciselé et incrustée de pierres précieuses ou semi précieuses. Les marocaines continuent à acheter cette mdamma (dont la façonnage ne cesse d’évoluer sous l’impulsion de la haute couture) pour faire face aux coups du sort ( investissement) et aussi pour montrer leur qualité de bonne gestionnaire ou leur réussite sociale au moment des cérémonies de mariage ou d’événements importants . Comme le hazem, elle gagnera récemment certaines tenues traditionnelles maghrébines ou arabo-musulmanes, à la satisfaction des artisans bijoutiers du Maroc qui voit là une reconnaissance de leur savoir faire ancestral. Les créations récentes effectuées par ces artisans bijoutiers sur la mdamma marocaine des Chedda ( ou shedda ou lebssa Chamalia: robes de marées des femmes de Tanger, Tétouan, Chefchaouen et Oujda et tenue des musiciennes andalouses de Tétouan et Chefchaouen) témoignent de ce savoir faire.

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      La mdamma de bijouterie est la ceinture emblématique des marocaines (en particulier des grandes villes) pour lesquelles il est inconcevable d’aller à une fête ou à une cérémonie sans ce précieux symbole du “capitalisme” marocain.Pendant des décennies, dans les mariages ou les rencontres inter-maghrébines, les femmes marocaines étaient reconnaissables à leur mdamma en or ou en argent. Cette ceinture passe d’Oujda ( ville minière où de nombreux tlemceniens et oranais viendront pour faire fortune) vers le villes voisines d’Algérie où elle gagne en premier lieu les tenues de Tlemcen et d’Oran ; de plus, des marocains de l’Ouest marocain s’étaient installés dans l’Est algérien vers le milieu du xxe siècle[réf. nécessaire] ; ces ceintures ont en effet, le style bijouterie pratiqué au Maroc à partir du milieu du xxe siècle (voir sites de galeristes ou d’antiquaires).
      Cette mdamma en métal a été reprise par des stylistes européens qui l’ont réactualisée avec succès en direction des jeunes filles occidentales en utilisant des éléments en métal moins précieux (étain, cuivre…) plus léger et plus moderne avec des graphismes occidentalisés sur les médaillons. Récemment, des bijoutiers kabyles la reprendront et la façonneront en argent et selon leur tradition ornementale. Ainsi, on peut parfois voir cette mdamma en argent parée les tenues traditionnelles kabyles qui initialement ne comportent ni large ceinture ni de ceinture en métal précieux (voir liens externes).
      Le Maroc étant un pays internationalement connu pour le travail du cuir et des peaux avec pour pôles les villes de Marrakech, Fez et Tétouan (surnommée la petite Fez), la maroquinerie va naturellement investir les créations. En outre, le pays de la fantasia ne pouvait oublier l’utilisation d’armes de fantaisie dans les tenues : ainsi, certains caftans incorporent des poignards maures cousus sur le corset.

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      Le caftan du Maroc ainsi que d’autres formes de vêtements marocains ( comme la Jellaba ) ont inspiré des stylistes du monde occidental (dont Yves Saint Laurent, Kenzo, JP Gautier, Christian Lacroix……) et de Tunisie. Faouzia Frad ) selon leur sensibilité, les influences, les goûts, les graphismes, et les traditions propres à leur pays ; ainsi, on peut voir ici et là des reprises de certains éléments et/ou de la ceinture du caftan marocain dans diverses créations vestimentaires maghrébines ou arabo-musulmanes récentes (comme c’est souvent le cas dans le monde international de la mode) ; en effet, dans le monde de l’art, le créateur est sensible à son environnement et, contrairement au plagiaire, valide aux yeux du monde sa création personnelle en indiquant ses sources d’inspiration.
      Le succès des défilés de caftans en Amérique, en Europe, en Asie et dans divers pays arabes fera naitre chez des couturières et stylistes du monde arabe ( Jordanie, Égypte, Liban, Émirats arabes unis….) l’envie de revoir leurs vêtements traditionnels pour en faire des tenues de haute couture à destination des femmes contemporaines du monde entier.
      L’ouverture du royaume et les exigences de qualité du marché international vont impulser un vent de créativité soufflant depuis plusieurs années sur la mode marocaine et sur d’autres secteurs d’activités du pays ( la bijouterie, la chaussure, les cosmétiques, le tatouage au henné, l’art du zellige, la décoration d’intérieur, l’artisanat etc..) créant ainsi un style que les américains dénomment ” Moroccan Chic”.